Castonguay N, Zhang W, Langlois M-A. Meta-analysis of the dynamics of the emergence of mutations and variants of SARS-CoV-2. Préimpression de MedRxiv, le 8 mars 2021. DOI: 10.1101/2021.03.06.21252994
Les résultats et/ou conclusions contenus dans cette recherche ne reflètent pas nécessairement les opinions de tous les membres du GTIC.
Le Pr Marc-André Langlois et son équipe de l’Université d’Ottawa ont analysé les mutations du SRAS-CoV-2 entre décembre 2019 et décembre 2020, y compris leurs effets sur la biologie virale, la thérapeutique et l’efficacité vaccinale. Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada et le Groupe de travail sur l’immunisation contre la COVID (GTIC).
Dans cette prépublication, les auteurs présentent une étude de métadonnées rétrospective des mutations à haute fréquence, c’est-à dire celles qui sont représentées dans plus de 1 % des virus séquencés dans le monde. Ils ont étudié tout particulièrement l’apparition de ces mutations au fil du temps, le lieu où ils ont émergé, de même que s’ils subsistaient dans les virus en circulation ou s’ils disparaissaient. Ils se sont également intéressés aux mutations de la protéine spiculaire de récents variants inquiétants. Ils ont relevé que certaines mutations pouvaient renforcer la liaison au récepteur cellulaire et rendre le virus plus contagieux, tout en réduisant la liaison des anticorps neutralisants et en favorisant l’évasion de la surveillance immunitaire. Cette étude offre une vue intégrative de l’émergence, de la disparition, et de l’intégration séquentiel des mutations réussies qui forment les plus récents variants du SRAS-CoV-2 en circulation et de leurs conséquences potentielles sur les traitements au moyen d’anticorps neutralisants et les vaccins.
Les virus qui transportent leur matériel génétique sous forme d’ARN, comme le SRAS-CoV-2 responsable de la COVID-19, ont tendance à produire des erreurs à chaque copie du génome. Ces erreurs sont responsables de l’évolution du virus, car elles sont la source de nouvelles mutations. Si une mutation produit un avantage à l’égard de la réplication du virus ou permette au virus d’échapper à la reconnaissance immunitaire, il arrive souvent qu’elle soit conservée ou qu’elle s’affine dans la population, ce qui donne lieu à de nouveaux variants viraux. Le nom des mutations désigne la substitution de l’acide aminé. Par exemple, l’acide aminé qu’on appelle acide aspartique (abrégé par la lettre D), situé à la position 614 du spicule, s’est transformé en glycine (abrégée par la lettre G), et la mutation a pris le nom de D614G. Cette mutation a été signalée pour la première fois au début de 2020, et il a été établi qu’elle accroît la transmissibilité du virus. Cette mutation, combinée avec la mutation P323L dans l’enzyme qui fabrique les copies du génome viral, se trouve désormais dans plus de 90 % de toutes les séquences du SRAS-CoV-2 actuellement en circulation dans le monde. Les auteurs décrivent plusieurs autres mutations. Certaines se sont stabilisées dans de petites sous-populations (et représentent moins de 50 % des virus en circulation), et d’autres encore ont vite disparu. L’équipe de Langlois a cartographié les mutations qui sont les plus distribuées partout dans le monde. Bon nombre des mutations prévalentes semblent surtout présentes dans les pays industrialisés, peut-être à cause d’un taux de séquençage global plus élevé. Les zones les plus conservées du génome sont les gènes NSP8, NSP10, NS6, NS7a et l’enveloppe. Ces gènes n’ont pas subi beaucoup de mutations pendant les périodes d’analyse de l’étude.
Entre octobre et décembre 2020, de nouveaux variants d’intérêt du coronavirus ont surgi dans le monde, tels que les variants B.1.1.7 (Royaume-Uni), B.1.351 (Afrique du Sud) et P.1 (Brésil). Ces variants sont dotés à la fois d’une plus grande transmissibilité et de la capacité d’échapper à la surveillance des anticorps. Les vaccins actuels pourraient être moins efficaces pour les enrayer. Sur les 24 mutations présentes dans le variant B.1.1.7 du SRAS-CoV-2, neuf sont situées dans la protéine spiculaire. Les auteurs ont cartographié ces mutations dans la structure tridimensionnelle de la protéine spiculaire. Ainsi, la N501Y a été découverte dans la région du spicule fixée au récepteur cellulaire, la protéine humaine ACE2. Cette région s’appelle domaine de liaison au récepteur, ou RBD. Il a été avancé que cette mutation produit une nouvelle interface de contact entre le spicule et l’ACE2, qui amplifie l’infectiosité et la virulence du virus. Les mutations du variant B.1.1.7 du SRAS-CoV-2 ont été observées dans plus de 70 % des génomes séquencés jusqu’à la mi-février 2021. De même, le spicule des variants B.1.351 et P.1 contiennent de multiples mutations, y compris trois mutations communes dans le RBD : N501Y, E484K et des substitutions du K417 (K417N et K417T, respectivement). Les auteurs prédisent que ces mutations pourront échapper à la surveillance des anticorps. Contrairement aux variants B.1.1.7, B.1.351 et P.1, ces trois mutations sont peu fréquentes dans le monde, se situant à moins de 2 % à la mi-février 2021.
En conclusion, l’analyse de Langlois et ses collègues fait ressortir les fluctuations naturelles de la prévalence des mutations. Elle démontre également que les mutations peuvent parfois créer des conditions favorables à une propagation virale. Il est essentiel de les suivre pour assurer la création et le déploiement de traitements et vaccins efficaces. Les auteurs concluent qu’il incombe à toutes les autorités compétentes d’accroître le séquençage du virus et de téléverser les génomes du SRAS-CoV-2 dans des bases de données en temps réel. C’est le seul moyen de disposer de l’information la plus exacte à transmettre aux décideurs sur les interventions nécessaires pour ralentir la transmission mondiale du virus.