Cette synthèse des preuves a été compilée par les membres du secrétariat du GTIC avec la contribution d’experts affiliés au GTIC et ne reflète pas nécessairement l’opinion de tous les membres du GTIC

Par Mariana Bego

Il est essentiel d’évaluer les anticorps contre le SRAS-CoV-2 pour la prise en charge de la pandémie de COVID-19. Dans le cadre des efforts de vaccination en cours, des analyses pour déceler les anticorps anti-SRAS-CoV-2 s’imposent en vue de surveiller le succès de la stratégie vaccinale. Des dosages précoces des mesures des anticorps spécifiques au SRAS-CoV-2 ont été conçus pour distinguer les personnes jamais infectées de celles qui l’ont déjà été. Il s’agissait généralement de dosages qualitatifs plutôt que de dosages quantitatifs, conçus pour obtenir la meilleure spécificité et la meilleure sensibilité. Dans une prépublication, des chercheurs de l’Université médicale de Vienne ont caractérisé la réponse immunitaire après la première dose d’un vaccin à ARNm à l’aide de cinq dosages quantitatifs commerciaux récemment évalués tous ensemble, et ont établi qu’ils donnent des résultats très comparables.

 

Parmi toutes les protéines produites par le virus pendant l’infection naturelle, les dosages commerciaux qui détectent les anticorps du SRAS-CoV-2 en évaluent deux : le spicule viral (S) et la nucléocapside (N). Les anticorps dirigés contre la protéine N du SRAS-CoV-2 se forment rapidement et sont puissants chez la plupart des personnes infectées. Ils sont très spécifiques, car aucune réactivité n’est observée, même sur des virus très similaires. Ils servent souvent de marqueurs d’infection antérieure, mais on n’en comprend pas la signification physiologique. En revanche, de nombreux anticorps dirigés contre la protéine S du SRAS-CoV-2 S peuvent neutraliser le virus. Les protéines spiculaires du SRAS-CoV-2 favorisent la pénétration du virus dans les cellules humaines. La région du spicule qui se lie au récepteur cellulaire ACE2 pour déclencher la pénétration dans le virus se nomme domaine de liaison au récepteur (RBD). De nombreux anticorps neutralisants reconnaissent le RBD et l’empêchent de se fixer à l’ACE2. Bien des études ont démontré une corrélation entre les taux d’anticorps qui se lient au spicule et divers dosages de neutralisation. Ainsi, l’évaluation de ces anticorps neutralisants après l’immunisation est un important indicateur pour confirmer la réussite des efforts de vaccination. Les véritables dosages de neutralisation exigent souvent une forte intensité de main-d’œuvre, ont besoin d’un virus vivant et ne peuvent pas être effectués à haut débit. Les dosages qui mesurent les anticorps anti-spiculaires peuvent les remplacer, pourvu qu’ils puissent quantifier des taux d’anticorps précis avec fiabilité et cohérence et qu’ils soient corrélés avec les anticorps neutralisants.

Dans une prépublication, des chercheurs de l’Université médicale de Vienne ont caractérisé la réponse immunitaire après la première dose d’un vaccin à ARNm en procédant à la comparaison directe de cinq dosages quantitatifs commerciaux des anticorps anti-spiculaires. Pour éliminer les échantillons des personnes qui avaient déjà été infectées par le SRAS-CoV-2, les auteurs ont exclu les échantillons reconnaissant la protéine N (l’infection produit des anticorps qui reconnaissent les protéines N et S, mais seuls des anticorps qui reconnaissent la protéine S sont produits par les vaccins à ArnM). Pour la phase d’exclusion, ils ont utilisé le dosage Elecsys Anti-SARS-CoV-2 de Roche, qui détecte les anticorps totaux de la nucléocapside virale. Ils ont également évalué la capacité de séroneutralisation au moyen d’un test de neutralisation pseudovirale commercial (GenScript).

Les caractéristiques de chaque dosage sont décrites au tableau 1. La plupart mesurent la présence des IgG, sauf celui de Roche qui mesure les anticorps totaux (tAb, IgA plus IgM plus IgG). Les cibles des dosages diffèrent aussi légèrement : l’un reconnaît l’intégralité du spicule, un autre recourt aux sous-unités S1 et S2 clivées du spicule, un autre encore fait appel au spicule dans une forme trimérique et deux se servent du RBD de la sous-unité S1. Dans tous les dosages, le fabricant a fourni la plage de détection, la spécificité clinique et la sensibilité. Celle-ci était liée aux seuils préétablis recommandés par le fabricant, et les valeurs supérieures à ces seuils devraient être considérées comme positives.

Tableau 1 : Caractéristiques de chaque analyse utilisées dans la comparaison

Dosage   Anticorps Antigène Plage Seuil Spécificité Sensibilité
Elecsys Anti-SARS-CoV-2 S de Roche RBD tAB de Roche IgA

plus IgM

plus IgG

RBD du spicule S1 de 0,4 à 2 500 U/mL 0,8 U/mL 99,98 % 98,8 %
SRAS-CoV-2 IgG II Quant-test d’Abbott RBD IgG d’Abbott IgG RBD du spicule S1 De 21 à 40 000 AU/mL 50 AU/mL 99,55 % 98,81 %
LIAISON SARS-CoV-2 Trimeric S IgG de DiaSorin TriS IgG de DiaSorin IgG Spicule trimérique De 1,63 à 800 AU/mL 13 AU/mL

 

99,5 % 98,7 %
LIAISON SARS-CoV-2 S1/2 de DiaSorin S1/2 IgG de DiaSorin IgG Spicule S1/S2 De 3,8 à 400 AU/mL 15 AU/mL

(résultat limite entre 12 et 15 AU/mL)

98,5 % 97,4 %
ELISA agile SARS‑CoV-2 IgG de Virion/Serion S IgG de Serion IgG Spicule De 3 à 250 U/mL 15 U/mL (résultat limite entre 10 et 15 U/mL) 99,2 %, 96,2 %

Pour standardiser les lectures (lorsque c’est possible), les unités d’anticorps de liaison par millilitre (BAU/mL), traçables en fonction de la norme internationale de l’OMS pour les immunoglobulines anti-SRAS-CoV-2, ont été calculées par l’application des facteurs de conversion suggérés par les fabricants. Pourtant, ces calculs n’ont pas rendu les lectures définitives comparables. Les auteurs ont conclu qu’il était peu probable d’obtenir une comparaison directe des résultats numériques de différents systèmes, même après des tentatives pour reprendre les calculs au moyen des normes de l’OMS. Ils ont également observé des différences dans les plages de mesures et ont découvert un dépassement des seuils supérieurs dans deux des quatre dosages (TriS IgG de DiaSorin et S IgG de Serion).

Malgré ces différences, les cinq dosages ont donné des résultats comparables après leur conversion en tertiles (de 0 % à 33,3 %, de 33,4 % à 66,7 %, de 66,8 % à 100 %). Par exemple, un échantillon du dernier tertile du test A également été décelé dans le dernier tertile du test B. Parmi les 69 échantillons testés, seulement une personne, qui avait subi un traitement immunosuppressif, n’a présenté aucun anticorps détectable dans les cinq dosages utilisés. Néanmoins, 10 % des participants étaient négatifs au dosage de neutralisation pseudoviral utilisé. Finalement, les auteurs ont conclu que les résultats positifs étaient intéressants sur le plan diagnostique, mais ne semblaient pas posséder de capacités de neutralisation suffisantes. On ne sait pas pour l’instant où le seuil se situe et, s’il existe, la quantité d’anticorps qui serait corrélée directement avec la neutralisation.

Perkmann T, Perkmann-Nagele N, Koller T, Mucher P, Radakovics A, Marculescu R, Wolzt M, Wagner OF, Binder CJ, Haslacher H. Anti-Spike protein assays to determine post-vaccination antibody levels: a head-to-head comparison of five quantitative assays. Préimpression de MedRxiv. Le 8 mars 2021. DOI :10.1101/2021.03.05.21252977.