Par Mariana Bego
Les anticorps non spécifiques ne neutralisent pas si facilement le variant d’abord détecté en Afrique du Sud
Un groupe français multicentrique dirigé par le Dr Olivier Schwartz de l’Institut Pasteur, à Paris, a examiné la réponse de personnes infectées et vaccinées à deux variants inquiétants du SRAS-CoV-2, celui d’abord détecté au Royaume-Uni (B.1.1.7) et l’autre, en Afrique du Sud (B.1.351).
Des échantillons prélevés chez des personnes rétablies de la COVID-19 neutralisaient le virus parent (D614G) de manière semblable à celui du variant d’abord détecté au Royaume-Uni (B.1.1.7), mais seulement si les prélèvements étaient effectués dans les neuf mois suivant l’apparition des symptômes. Ceux récoltés après cette période contenaient beaucoup moins d’anticorps neutralisants, à la fois contre le virus parent et les variants B.1.1.7. Le variant d’abord détecté en Afrique du Sud (B.1.351) était plus résistant à la neutralisation du sérum, quel que soit le moment où il avait été prélevé. Toutefois, 40 % des prélèvements effectués neuf mois après l’apparition des symptômes n’étaient plus du tout efficace contre ce variant.
Les auteurs ont également observé des tendances semblables à l’analyse des prélèvements de personnes qui avaient reçu les deux doses du vaccin à ARNm de Pfizer. La capacité de neutralisation post-vaccinale du sérum était tout aussi puissante contre les variants D614G et B.1.1.7, mais était moins efficace contre le variant B.1.351. Les auteurs avancent que ce variant, d’abord détecté en Afrique du Sud (B.1.351), contrairement à celui d’abord détecté au Royaume-Uni (B.1.1.7), pourrait accroître le risque d’infection chez les personnes vaccinées. Ces résultats ont été publiés dans la revue Nature Medicine, en anglais, à la fin de mars.
Les anticorps bispécifiques assurent une meilleure neutralisation et sont plus difficiles à éviter
Les anticorps sont souvent représentés par la lettre Y. En effet, ils sont naturellement dotés de deux sites de liaison identiques, chacun situé à l’extrémité supérieure des diagonales de l’Y. Des anticorps peuvent toutefois être créés en laboratoire pour se lier à deux cibles différentes. Ce sont les anticorps bispécifiques. Des chercheurs européens et américains, dirigés par le Pr Luca Varani, de l’Université de la Suisse italienne, ont mis au point des anticorps bispécifiques en mesure de neutraliser les trois variants inquiétants du SRAS-CoV-2 en circulation, c’est-à-dire ceux détectés pour la première fois au Royaume-Uni (B.1.1.7), en Afrique du Sud (B.1.351) et au Brésil (P.1 ou B.1.1.28.1). Le variant B.1.351 était le moins bien neutralisé des variants à l’étude.
Les anticorps sont approuvés dans de nombreux pays, y compris le Canada, pour traiter la COVID-19 légère à modérée chez les patients qui risquent fort de voir leur état se dégrader gravement. Cependant, certains traitements aux anticorps peuvent inciter le virus à évoluer et à produire ce qu’on appelle des mutations d’échappement, c’est-à-dire une nouvelle forme du virus qui ne résiste pas à cet anticorps. Individuellement, les deux anticorps originaux utilisés pour produire l’anticorps bispécifique étudié dans ce manuscrit créaient des mutations d’échappement du SRAS-CoV-2. L’équipe a toutefois démontré que ces mutations étaient désormais neutralisées par l’anticorps bispécifique.
Les auteurs ont utilisé un nouveau modèle animal pour vérifier si le SRAS-CoV-2 pouvait échapper à la neutralisation d’anticorps bispécifiques. Dans leur modèle d’infection par le SRAS-CoV-2, les anticorps bispécifiques protégeaient les souris contre la maladie et supprimaient l’échappement viral. Selon les auteurs, il est possible et efficace d’utiliser des anticorps bispécifiques, qui combinent les avantages de cocktails d’anticorps en une seule molécule.
Ces résultats ont été publiés dans la revue Nature, en anglais, sous forme de prépublication accélérée mise en ligne à la fin de mars.
Les personnes infectées par le variant détecté en Afrique du Sud possèdent des anticorps à réactivité croisée
En Afrique du Sud, la première vague d’infections par le coronavirus a culminé en juillet 2020, et la deuxième, en janvier 2021. La plupart des cas de la deuxième vague étaient attribuables au variant B.1.351. Tout comme l’indique le résumé précédent et de nombreux autres articles, il est démontré que ce variant résiste partiellement aux anticorps formés par les variants auparavant en circulation, ce qui suscite des inquiétudes quant à l’efficacité des vaccins actuels à le neutraliser.
En réponse à ces inquiétudes, Tulio de Oliveira et Alex Sigal, de l’Université du KwaZulu-Natal en Afrique du Sud, et leurs collègues ont testé le plasma de personnes qui avaient été infectées pendant les deux vagues. Ils ont découvert que le plasma de donneurs infectés pendant la deuxième vague prévenait le variant B.1.351 contenu dans les cellules infectées d’un plat de pétri avec 15 fois plus d’efficacité que celui de donneurs infectés pendant la première vague. Ils ont également remarqué que les anticorps de personnes infectées par le variant B.1.351 du coronavirus étaient également efficaces contre des variants en circulation auparavant, ce qui laisse croire que l’actualisation des vaccins pour inclure ce variant agirait contre divers variants du coronavirus.
Ces résultats ont été publiés dans l’édition du 29 mars de la revue Nature, en anglais.