Cette synthèse de données probantes a été compilée par des membres du secrétariat du GTIC et ne représente pas nécessairement l’opinion de tous les membres du GTIC.

Par Mariana Bego

La pandémie actuelle entraîne un remaniement du dépistage des maladies transmissibles. L’autoprélèvement, l’autodépistage et les tests diagnostiques rapides pourraient bientôt devenir la norme. Pour comprendre pleinement et prendre en charge leur autodiagnostic, les patients devront avoir accès à des ressources complètes en plus de ces outils. L’autodiagnostic dépend d’un autoprélèvement approprié et de bons tests rapides. Les améliorations à la qualité des tests d’autoprélèvement contribueront également à améliorer la capacité des laboratoires à les exécuter, car la nécessité de recourir à du personnel formé pour prélever les échantillons en personne constitue un obstacle courant au dépistage à grande échelle.

Le concept de prélever du sang à domicile chez les patients diabétiques pour évaluer les valeurs de glycémie a été adopté dans les années 1980. La technologie a continué d’évoluer régulièrement au cours des 20 années suivantes, et les tests à domicile ont révolutionné la prise en charge du diabète de type 1. Ce fonctionnement a établi une norme de référence en matière d’autodépistage.

Cela dit, le dépistage de maladies transmissibles ajoute un élément de complication.

La collecte d’échantillons biologiques en cas d’éventuelle infection exige d’énormes ressources et une main-d’œuvre abondante. Le personnel formé doit revêtir de l’équipement de protection individuelle, et la collecte doit être effectuée dans des établissements appropriés. Lors du dépistage de maladies transmissibles comme la COVID-19, le dépistage des personnes vulnérables dans le milieu de la santé peut accroître le risque de transmission. Les prélèvements à grande échelle en laboratoire sont laborieux et coûteux, notamment dans les pays à faible et moyen revenu où les ressources de santé sont limitées. Le rendement diagnostique de divers types de prélèvements effectués par du personnel formé a récemment été comparé aux autoprélèvements, puis a été évalué et décrit dans plusieurs publications.

Dans un récent article du Scientific Reports (1), des chercheurs ont comparé les résultats sérologiques de la COVID-19 à partir de l’autoprélèvement de sang capillaire (piqûre du doigt) à ceux obtenus par ponction veineuse (prise de sang au moyen d’une aiguille) effectués par du personnel formé. Dans cette étude, 209 échantillons de sang veineux et capillaire appariés ont été prélevés chez 39 participants et analysés à l’aide du dosage ELISA pour quantifier les anticorps IgG contre le SRAS-CoV-2. La plupart des participants (38 sur 39) ont pu autoprélever une quantité suffisante de sang capillaire (50 microlitres, soit un centième de cuillerée à thé). Les auteurs ont rendu compte de résultats quasi identiques lorsqu’ils ont comparé les prélèvements de sang capillaire et veineux pour déceler les anticorps IgG contre le SRAS-CoV-2 au moyen du dosage ELISA, même lorsqu’ils étaient entreposés sept jours à température ambiante. Les résultats ne différaient qu’à l’égard de cinq des 209 prélèvements appariés (prélevés sur deux sujets). Les résultats de ces prélèvements se rapprochaient énormément des limites de détection, mais pouvaient être considérés comme positifs pour la ponction veineuse et indéterminés pour le sang capillaire.

Le sang capillaire est prélevé dans des tubes spéciaux et peut être traité dès sa réception. Dans le cas de la collecte de gouttes de sang séché (GSS), le sang est déposé sur des cartes de papier spéciales. Les étapes nécessaires pour traiter les échantillons de GSS sont chronophages, car il faut « perforer » manuellement la carte, puis en extraire et en diluer le sang. Par rapport aux tubes de sang capillaire, les échantillons de GSS ont le grand avantage de poser un risque biologique minime pendant le transport. Selon les auteurs, leurs résultats n’étaient pas influencés par le mode de prélèvement, qu’il s’agisse d’un tube de sang capillaire ou d’une carte de GSS.

Dans le même esprit, une analyse systématique (2) et méta-analyse publiée récemment dans The Lancet a présenté une évaluation de la faisabilité de l’autoprélèvement pour diagnostiquer l’infection par le SRAS-CoV-2 par RT-PCR. Les auteurs ont analysé 23 études incluant environ 8 000 écouvillons nasopharyngés, 1 622 écouvillons nasaux, 6 110 prélèvements de salive, 338 écouvillons pharyngés et 719 écouvillons nasaux et pharyngés groupés auprès d’environ 8 000 participants. Lorsque l’écouvillon nasopharyngé servait de norme de référence, les écouvillons nasaux et pharyngés groupés possédaient la sensibilité et la valeur prédictive les plus élevées (97 % dans les deux cas), alors que la sensibilité des prélèvements de salive et des écouvillons nasaux était la plus faible (86 % et 85 %, respectivement). Les écouvillons pharyngés étaient associés à la sensibilité et à la valeur prédictive les plus basses (68 % et 75 %, respectivement). Qui plus est, les résultats des écouvillons nasaux et pharyngés groupés prélevés par du personnel formé étaient comparables à ceux qui avaient été autoprélevés. Selon l’analyse, par rapport à la norme de référence que sont les écouvillons nasopharyngés, les écouvillons nasaux et pharyngés groupés constituaient la meilleure solution pour diagnostiquer l’infection par le SRAS-CoV-2 en milieu ambulatoire ou par autoprélèvement.

Les auteurs postulent qu’en raison de l’urgence d’accroître la capacité de dépistage sur la scène mondiale, ces modes d’autoprélèvement ont le potentiel d’améliorer les effets des stratégies et des programmes de dépistage. Grâce à un autoprélèvement et un autodépistage fiables, des mouvements de population limités et surtout, l’allégement du fardeau des prélèvements et du dépistage sur les ressources pourraient réduire le risque d’exposition à la COVID-19.

 

  1. Brown L, Byrne RL, Fraser A, Owen SI, Cubas-Atienzar AI, Williams CT, Kay GA, Cuevas LE, Fitchett JRA, Fletcher T, Garrod G, Kontogianni K, Krishna S, Menzies S, Planche T, Sainter C, Staines HM, Turtle L, Adams ER. Self-sampling of capillary blood for SARS-CoV-2 serology. Sci Rep 11, 7754. Le 8 avril 2021. doi : 10.1038/s41598-021-86008-5
  2. Tsang NNY, So HC, Ng KY, Cowling BJ, Leung GM, Ip DKM. Diagnostic performance of different sampling approaches for SARS-CoV-2 RT-PCR testing: a systematic review and meta-analysis. Lancet Infect Dis. Le 2 avril doi : 10.1016/S1473-3099(21)00146-8