Par :
Dr Jim Kellner, membre du groupe de direction du GTIC et directeur du réseau pédiatrique du GTIC
Dr Scott Halperin, membre du groupe de direction du GTIC et coprésident du Groupe de travail sur la surveillance des vaccins
Dre Caroline Quach, membre du groupe de direction du GTIC et coprésidente du Groupe de travail sur la surveillance des vaccins
Pr Manish Sadarangani, membre du réseau pédiatrique du GTIC
Dre Karina Top, membre du Groupe de travail sur la surveillance des vaccins du GTIC
Dr Bruce Mazer, directeur scientifique associé, Stratégie, secrétariat du GTIC
Dr Tim Evans, directeur administratif du GTIC
Secrétariat du GTIC
Puisqu’un vaccin contre la COVID-19 sécuritaire et efficace est maintenant proposé aux enfants du primaire, il est important de réfléchir aux multiples avantages découlant de son déploiement rapide. Des campagnes de vaccination réussies protègent les enfants de graves maladies, limitent la transmission communautaire du virus, permettent la réactivation des réseaux et favorisent la poursuite de la scolarité en classe ainsi que la reprise complète des activités parascolaires. Non seulement les vaccins pédiatriques peuvent-ils protéger la santé des enfants, mais ils peuvent aussi accélérer le retour à la normale tant attendu.
L’apparition du SIME déclenché par la COVID-19
Au début de la pandémie, la souche originale du SRAS-CoV-2, qu’on appelle parfois la souche ancestrale, avait rarement de graves effets chez les enfants (Lee 2020). Ce phénomène a commencé à changer en avril 2020, lorsque des grappes de cas de syndrome inflammatoire multisystémique de l’enfant (SIME) se sont manifestées et ont ensuite été liées à l’infection par le SRAS-CoV-2 (Feldstein 2020). Bien qu’il soit rare, le SIME est une affection caractérisée par une grave inflammation de multiples systèmes organiques, y compris le cœur, au potentiel souvent fatal. Des données probantes croissantes ont démontré que le SIME fait son apparition de quatre à huit semaines après le diagnostic initial de COVID-19 et se distingue de l’hyperinflammation liée à la COVID-19 aiguë chez les adultes (3).
Les répercussions du variant delta
En raison de son évolution récente, plus de jeunes enfants contractent le virus. Les premiers variants préoccupants (VOC), tels que les variants alpha et bêta, n’ont pas été responsables d’un grand nombre d’hospitalisations et de maladies graves chez les enfants, mais l’arrivée du variant delta, hautement transmissible, couplé à l’assouplissement des restrictions sanitaires et à la vaccination des enfants plus âgés et des adultes, semble avoir changé la donne. Comme on l’a observé aux États-Unis, le déferlement du variant delta a suscité une augmentation du nombre d’enfants infectés et, par conséquent, un accroissement des hospitalisations pédiatriques attribuables à la COVID-19 (Eyre 2021; Valentine 2020). De plus, la Dre Theresa Tam, administratrice en chef de la santé publique du Canada, a souligné lors de la conférence de presse du 5 novembre 2021 que les personnes de moins de 12 ans représentaient alors plus de 20 % des cas quotidiens, même si elles ne formaient que 12 % de la population du pays (CTV News). Puisqu’on ne connaît pas les effets potentiels à long terme de la COVID-19 chez les enfants, il est important de respecter une série d’interventions sanitaires pour contribuer à protéger les enfants de cette pandémie en constante évolution. Comme on l’a vu au sein des populations adultes, une vaccination efficace peut jouer un rôle crucial dans la protection des enfants contre l’infection par le SRAS-CoV-2.
Le risque de graves effets de la COVID-19 chez les jeunes
Même si le nombre d’infections graves est beaucoup plus faible chez les jeunes que chez les adultes, plus de 900 décès attribuables à la COVID-19 ont été recensés chez les enfants de zéro à 18 ans aux États-Unis (CDC) et 19 l’ont été chez ceux de zéro à 19 ans au Canada (gouvernement du Canada). Par ailleurs, au Canada, près de 2 000 enfants et adolescents (de zéro à 19 ans) ont été hospitalisés à cause de la COVID-19 depuis le début de la pandémie, dont environ 270 à cause du SIME (Laverty 2021). À mesure qu’émergeront de nouveaux variants, la protection vaccinale contribuera à limiter les graves effets de l’infection.
En plus de protéger directement les enfants contre la COVID-19, la vaccination favorise leur développement en sécurité et en santé. Des études réalisées au Canada par des équipes de chercheurs que finance le Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19 (GTIC) démontrent un accroissement des indicateurs néfastes en santé mentale chez les enfants, y compris l’anxiété et la dépression (Li 2021; Cost 2021; étude CHILD). L’école et la socialisation qui s’y associent sont fondamentales pour le sain développement de l’enfant (Li 2020). Grâce à la vaccination des enfants d’âge scolaire, le système d’éducation demeurera intact, c’est-à-dire que les élèves fréquenteront l’école, exerceront leurs activités parascolaires en personne et profiteront des avantages des interactions communautaires. Qui plus est, parce que les enfants évoluent dans un cadre scolaire régulier, il est possible de répondre correctement à leurs besoins en matière de développement. Par ailleurs, les parents peuvent reprendre le travail sans craindre les fermetures d’écoles. À la grande frustration des enfants, des parents et des enseignants, en l’absence d’une immunisation généralisée et de mesures sanitaires comme des tests de dépistage rapide, tout symptôme évocateur de la COVID-19 peut exiger un dépistage et un isolement, et un cas de COVID-19 en classe peut susciter une surveillance supplémentaire ou un isolement des camarades de classe, de même que la fermeture de l’école.
Les vaccins peuvent contribuer à limiter la transmission du virus
Fait encourageant, une étude de phase 3 auprès d’enfants de cinq à 11 ans effectuée après l’apparition du variant delta a démontré que le vaccin Comirnaty contre la COVID-19 de Pfizer-BioNTech composé de deux doses de 10 μg (soit le tiers de la dose administrée aux adolescents et aux adultes), a une efficacité de 90,7 % contre la COVID-19 (Walter 2021). Les familles peuvent être réconfortées de penser que la vaccination pédiatrique a l’avantage indirect de réduire la propagation aux membres de la famille, ce qui est particulièrement important pour ceux qui sont immunodéprimés ou âgés (et qui ne peuvent donc pas avoir une réponse vigoureuse au vaccin), ou qui sont encore trop jeunes pour être vaccinés. Les personnes pleinement vaccinées peuvent contracter et transmettre le virus, mais les recherches à ce jour ont démontré qu’elles seraient contagieuses pendant une plus courte période que les personnes non vaccinées et qu’elles risqueraient moins de transmettre le virus, si bien que la vaccination généralisée peut offrir une protection communautaire (Chia 2021; Singanayagam 2021; Eyre 2021). Ainsi, la famille et le réseau de la famille élargie, des voisins et des autres proches peuvent se côtoyer sans craindre de s’infecter les uns les autres.
L’examen rigoureux de l’innocuité avant l’homologation des vaccins au Canada
Les données cliniques et les données d’innocuité soumises par les fabricants de vaccins aux organismes fédéraux d’homologation sont examinées avec la plus grande rigueur avant que les produits soient considérés comme acceptés et prêts à être utilisés. Au 7 novembre 2021, plus de 59 millions de doses avaient été administrées au Canada seulement, c’est-à-dire que 85 % de tous les Canadiens de plus de 12 ans étaient alors pleinement vaccinés (gouvernement du Canada). Les États-Unis ont approuvé le vaccin pédiatrique contre la COVID-19 avant le Canada, et au 17 novembre 2021, ils en avaient déjà administré plus de 6,6 millions de doses (CDC des États-Unis). Les données sur le terrain ont démontré que les vaccins contre la COVID-19 sont à la fois sécuritaires et efficaces dans les populations, des jeunes jusqu’aux personnes âgées et fragiles (Skowronski 2021; Sadarangani 2021). Les vaccins contre la COVID-19 ont réduit considérablement les effets graves de la COVID-19 et les décès découlant de la maladie, ce qui a permis d’amorcer un retour à la normale.
De solides programmes de surveillance de l’innocuité vaccinale en cours au Canada
Les adultes et les adolescents canadiens ont démontré une grande confiance envers le programme de vaccination contre la COVID-19 en raison du travail exécuté par les médecins, les responsables de la santé publique, les infirmières et les autres professionnels de la santé du Canada. Tandis que les vaccins continuent d’être déployés, l’innocuité vaccinale demeure prioritaire sur la scène nationale. Le pays est doté de plusieurs systèmes de surveillance de l’innocuité vaccinale de longue date pour suivre les manifestations cliniques inhabituelles (MCI). Plusieurs autres projets de surveillance de l’innocuité propres à la COVID-19 sont également en cours, dont plusieurs financés par le GTIC. Parmi ceux qui existent depuis longtemps, le Programme canadien de surveillance active de l’immunisation (IMPACT) est un réseau national de surveillance des MCI et de certaines maladies infectieuses qui sont ou deviendront évitables par la vaccination. De plus, le Réseau canadien de recherche sur l’immunisation (CANVAS), qui surveille l’innocuité des vaccins antigrippaux saisonniers depuis déjà longtemps, s’est diversifié pour surveiller également l’innocuité des vaccins contre la COVID-19 (CANVAS-COVID) chez les adolescents et les adultes, et a récemment élargi son champ d’action pour inclure les enfants de moins de 12 ans. Les systèmes de surveillance active d’IMPACT et de CANVAS travaillent de concert et en étroite collaboration avec les dispensateurs de soins et les autorités de santé provinciales, territoriales et fédérales, de même qu’avec des partenaires mondiaux pour déterminer et vérifier les MCI potentiels en temps réel. Ces réseaux surveilleront étroitement la vaccination contre la COVID-19 chez les jeunes enfants, comme ils le font pour les enfants et les adultes
Les manifestations cliniques inhabituelles sont rares
D’après la compréhension actuelle des MCI après les vaccins contre la COVID-19, les avantages liés à la vaccination des enfants contre la maladie sont supérieurs aux risques. Même si les études sur le vaccin contre la COVID-19 chez les enfants de cinq à 11 ans ne comportent pas de gros échantillonnages, les enfants tolèrent bien les vaccins, et les MCI signalées sont semblables à celles de la vaccination contre d’autres maladies. De plus, le pourcentage d’enfants de cinq à 11 ans qui ont contracté une MCI systémique était plus faible que celui signalé dans le groupe des 16 à 25 ans (Walter 2021).
Un plus grand risque de myocardite ou de péricardite par l’infection que par les vaccins
Au début du programme de vaccination contre la COVID-19, on a observé une myocardite (une inflammation du muscle cardiaque) et une péricardite (une inflammation de la membrane qui enveloppe le cœur), surtout chez de jeunes adultes de sexe masculin après la seconde dose. Selon les CDC, 40,6 cas de myocardite ont été déclarés par million de secondes doses des vaccins à ARNm chez les 12 à 19 ans (Gargano JW 2021). En revanche, les chercheurs des National Institutes of Health estiment que la myocardite après l’infection par le SRAS-CoV-2 peuvent atteindre 450 cas par million de jeunes de moins de 20 ans (Singer ME 2021, prépublication). Collectivement, ces données probantes indiquent que, sans la vaccination, les enfants sont de six à dix fois plus susceptibles de souffrir d’une myocardite. De plus, d’après des analyses poussées menées par les CDC et par des chercheurs d’autres pays, les cas de myocardite ou de péricardite associés aux vaccins à ARNm sont rares et généralement légers, et ils guérissent rapidement. En fait, une grave myocardite ou péricardite est beaucoup plus courante après l’infection par le SRAS-CoV-2 (Curt 2021, Mendel 2021, Meorach Dror 2021, Witberg Guy 2021, Simone Anthony 2021). De plus, les cas de myocardite et de péricardite sont plus fréquents chez les adolescents plus âgés, et les taux les plus faibles s’observent dans le groupe des 12 à 15 ans. Ainsi, le risque que courent les enfants de moins de 12 ans peut être encore plus bas. Selon d’autres données probantes, les symptômes liés à une myocardite ou une péricardite déclenchée par la vaccination guérissent plus rapidement, sans qu’il soit nécessaire d’administrer des médicaments supplémentaires pour traiter les symptômes, contrairement à la situation découlant d’une myocardite ou d’une péricardite causée par la COVID-19 (Patel T 2021).
La vaccination de masse sauve des vies depuis des décennies
Les campagnes de vaccination de masse ne datent pas d’hier. Dans le monde, la vaccination est considérée comme l’une des interventions sanitaires les plus importantes et les plus rentables qui soient (OMS). Les maladies évitables par la vaccination comme la rougeole et la polio ont chuté radicalement grâce aux campagnes de vaccination tenues partout dans le monde, et l’Agence de la santé publique du Canada estime que la vaccination a probablement sauvé plus de vies au Canada que toute autre intervention de santé depuis 50 ans (ASPC; Greenwood 2014). Il est compréhensible que les parents s’inquiètent de l’introduction d’un nouveau vaccin, pédiatrique, mais l’histoire de la vaccination démontre que les vaccins sont des moyens très sécuritaires et efficaces de contrer des maladies évitables.
Conclusion
La pandémie actuelle a été accueillie par un effort mondial sans précédent et par le partage de données en temps réel qui ont permis de développer des vaccins très sécuritaires et efficaces, lesquels continuent d’être surveillés au Canada et dans le monde entier, grâce à des programmes de surveillance rigoureux. Fort de toutes ces données probantes, le Conseil consultatif national de l’immunisation (CCNI), l’organisme canadien qui fournit des recommandations sur l’utilisation des vaccins, préconise que les enfants canadiens de cinq à 11 ans puissent être vaccinés contre la COVID-19. Compte tenu des données probantes, les avantages de la vaccination sont supérieurs aux risques, notamment à cause des nouveaux variants préoccupants, comme le variant omicron, qui continuent de compliquer la gestion de la pandémie. C’est l’occasion de permettre à nos enfants de recommencer à interagir pleinement avec le monde extérieur.
Références
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